En 1865, M et Mme LE TREUT firent
construire deux maisons en bordure de la route de Brest, au lieu
dit Le Grand Turc. Il s’agissait d’une maison d’habitation et d’un
café-restaurant. La structure des bâtiments était en bois recouvert de
zinc. En effet, ces maisons étaient situées près des
fortifications et l’autorité militaire imposait de respecter les
servitudes de défenses : les maisons devraient pouvoir être démolies,
en cas de guerre, si la ville de Brest était menacée.
De 1867 à 1895, l’établissement fut mis en
location. Puis, ce fut l’arrivée en 1895 de M. et Mme LE GUEN qui
donnèrent une grande renommée à l’établissement, par la très bonne
qualité de sa cuisine, mais surtout par l’excellence du service. Ils
avaient acheté le fond de commerce et les immeubles, et fait construire
deux nouvelles salles. Le matériel avait été renouvelé : des nappes de
fil faisaient l’admiration de ceux qui connaissaient le beau linge ;
des couverts en métal argenté et gravés au nom du "Petit Jardin”; les
couverts classiques avaient été complétés par des fourchettes à
huîtres, des couverts à poissons, des couverts à dessert, et de
couverts à entremets ; les services de porcelaine portaient aussi le
nom du "Petit Jardin”. Les tables étaient de toutes splendeurs. Les
décorations des salles à manger étaient de très bon goût. Lors des
banquets des hôteliers, les autres restaurateurs avouaient que les plus
belles tables étaient celles du "Petit Jardin”.
En 1908, le fond de commerce fut vendu à M.
GUILLEROT, cuisinier de profession et qui avait acquis une grande
expérience au cours de ses différents postes. Après 3 années de forte
activité, il fit construire une grande salle de prestige de plus de 400
m² pour les grands événements permettant d’accueillir au moins 800
personnes. La structure du bâtiment était là aussi en bois recouvert de
zinc. Toutefois la charpente de toit était en profilés métalliques
rivetés.
En 1913, après le décès de son mari, c’est sa veuve qui géra seule l’établissement.
Pendant la guerre, 1914-1918, les bals furent interdits.
De 1918 à 1922 la présence de l’armée américaine à Brest modifia
quelque peu la clientèle. Des orchestres produisaient des mélodies
américaines : jazz, blues, etc. Les américains faisaient du patin à
roulettes sur la piste de danse. 30 employés permanents environ
assuraient le service. Les personnels de la Marine formaient une part
importante de la clientèle. Chaque année, des soirées dansantes étaient
organisées. Le bal des fourriers était, nous dit-on, très prisé.
Mme veuve GUILLEROT se remaria en 1921 avec M.
GUILLERMIC, premier maître fourrier, qui quitta la Marine pour aider
son épouse dans la gestion de l’établissement. Dans les années 1920, on
vit apparaître de nouvelles danses : le charleston, le tango ...
De 1921 à 1940, l’activité de l’établissement du Petit Jardin se
poursuivait normalement par les banquets corporatifs, les repas
et bals de noces, les soirées dansantes, le patinage, et les
fêtes de toutes sortes.
En 1940 l’armée allemande y logea 300 soldats. Les bâtiments avaient
subit des dommages importants. Il y eu beaucoup de dégâts dans la
vaisselle, les nappes, les serviettes, la décoration, les planchers et
les escaliers.
Après la guerre, c'est Suzanne, sa fille, qui
prend la suite avec son époux et son beau père. Les deux activités
principales de l’établissement sont maintenues : les banquets et repas
de noces, les bals et soirée dansantes. Tous les orchestres réputés de
la région ont joué ici, en soirée ou en matinée : Jacky RAYNAL, Nico
LOÏS, etc. Au cours de ces soirées les orchestres produisaient de
nouvelles musiques populaires aux rythmes endiablés venues d’ailleurs
comme le rock'n roll, le boogie-woogie, le paso-doble, le cha-cha-cha,
le madison, le sirtaki.. Une tenue correcte était toujours exigée dans
l’établissement. Pour les hommes, la cravate était obligatoire. M
GUILLERMIC, qui était de grande taille, savait, avec beaucoup de
diplomatie, imposer les règles de bonne conduite. Le dernier grand
repas servi au Petit Jardin a été le banquet organisé à l’occasion du
congrès national des maraîchers, en septembre 1965, avec 658
convives.
Dans les années 1960, le "Petit Jardin” au 268
rue Anatole France, comptait 8 salles réparties dans 3 bâtiments :
la salle du café et l’estaminet, une salle de restaurant, la
"Salle hollandaise”, la “Salle nord” et les trois “Grandes salles"
Les activités ont cessé en 1966.
Alain Cloarec
NDLR : une anecdote
En mai 68, l'usine CSF (aujourd'hui Thalès) a été occupée pendant cinq
semaines (du 20 mai au 21 juin) par les salariés en grève. La direction
a dû se réfugier ailleurs, et s'installer au "Petit Jardin".