La saucisse Caquot
Un observateur qui monte à son échelle de corde, qui fait la liaison entre le bateau et le caquot
Observateurs en tenue
Observateur dans sa nacelle
De
1917 à 1940 , un centre de ballons captifs existait à la Grande
Rivière. (voir Echo d'avril 2010 ) Mais, quel était le travail d'un
observateur ? Le métier était-il difficile ?
D'abord, il fallait se former...
La formation durait
3 mois à l'école des arrimeurs et observateurs qui se trouvait aussi à
la Grande-Rivière. Puis elle était suivie d'un perfectionnement sur
ballon libre à Rochefort. On y apprenait à utiliser les instruments de
précision comme l'altimètre, l'anénomètre, le téléphone, les
jumelles... et à cultiver son sens de l'orientation et d'appréciation
des distances. Tout ce qui touchait la manoeuvre de l'aérostat, en mer
et à terre, ainsi que son entretien devait être connu. La physique des
gaz, la météorologie, l'aérodynamique et la photographie complétaient
cette formation.
Quelles étaient les conditions de travail ?
Elles étaient
difficiles. D'abord il fallait vaincre le froid. Pour cela, les
aérostiers avaient la même tenue que les pilotes d'hydravions : une
veste de cuir, un pantalon de cuir doublé en molleton, une paire de
gants en cuir, des bottes, des lunettes, des chaussons fourrés et un
bonnet de vol. L'ennui, c'est qu'avec cette grosse tenue ils devaient
affronter une deuxième difficulté qui était celle de monter à la
nacelle par une simple échelle de corde. Cette escalade ressemblait à
de l'acrobatie en raison des mouvements non conjugués et désordonnés du
bateau soumis à la houle et de la saucisse ballotée par le vent. Le
calvaire des malheureux observateurs ne faisait d'ailleurs que
commencer. Car une fois le ballon haussé en altitude, il subissait en
effet des remous et des balancements invraisemblables dont l'amplitude
et la cadence dépendaient de l'état de la mer et de la force du vent.
Au milieu de ces soubresauts, il devait s'efforcer de scruter point par
point la surface de la mer dont l'horizontalité lui paraissait échapper
à toute géométrie, pour y déceler quelque manifestation menaçante. A
vrai dire, la menace montait plutôt de son estomac et la plupart du
temps, faute d'un entrainement approprié, le pauvre observateur,
agrippé à sa nacelle, engoncé dans ses vêtements, ses yeux valsant dans
ses orbites au rythme des balancements, au bord de la nausée, était
bien incapable de fixer le moindre point sur la mer, et par conséquent
de déclencher la moindre alerte !
Y-avait-il des accidents du travail ?
Oui, de nombreux. En effet , le
ballon, le Caquot, se comportait assez bien lorsque le vent soufflait
de manière régulière, mais le danger apparaissait lorsque les rafales
donnaient de l'amplitude au tangage. Par exemple, le 14 août 1917, à
l'entrée du goulet de Brest, le ballon remorqué par le
chalutier «Ville-de-Gujan-Mestras» fut soudain pris dans des
turbulences aériennes. L'empennage de l'aérostat toucha l'eau et se
déchira sous le choc. Dégonflé, le ballon perdit sa stabilité et se
retourna. Les deux observateurs qui se trouvaient dans la nacelle
furent jetés à l'eau et l'un deux fut étranglé par les cordes de
manoeuvre. Le 10 octobre 1917, c'est la foudre qui heurta une enveloppe
et l'incendia.Les deux hommes furent précipités hors de la nacelle et
l'un d'eux décéda quelques heures plus tard. Le 20 septembre 1917,
c'est le câble du ballon de la vigie d'Ouessant qui casse brutalement
dans une rafale plus forte que les autres. L'observateur du son fut
sauvé grâce à son parachute, l'aérostat fut retrouvé à Perros Guirrec !
Le 11 novembre 1918, en Bretagne, il y avait 239 observateurs de ballons captifs.
Merci à Thierry Le Roy pour sa collaboration. Ces informations sont
issues de son livre «La guerre sous-marine en Bretagne.
1914-1918». édité en 1990 - ISBN 2-9505074-0-9
Nathalie Guilard