Vous
avez peut être été intrigués un jour par le porche du n°30 rue Victor
Eusen (face à l’église) : quel beau pavage ancien et bien conservé ! Il
en a vu passer des chariots, des calèches, des chevaux… depuis la
fin du 19ème siècle. Ce passage couvert donne accès à un ancien atelier
de maréchal-ferrant : celui de Olivier Nicolas.
On ne trouve plus, aux pieds des piliers de la porte cochère, ces
grosses pierres arrondies souvent remplacées par de grosses pièces en
acier fondu, qui s’appelaient des « chasse-moyeux » ou des «
chasse-roues ». Elles repoussaient les roues des chariots afin
d’empêcher le moyeu (qui dépassait toujours de la roue) de heurter le
pilier en passant. Mais en observant les pierres basses on peut
percevoir les traces de scellement de chasse-moyeux métalliques.
Mais qu’est un
« maréchal-ferrant » ?
C’est l’homme chargé des chevaux mais surtout celui qui réalise
et pose les fers à cheval. Avant l’apparition des vétérinaires, il
exerçait parfois quelques soins médicaux. Son équipement de forgeron
l’amène souvent à réaliser des travaux de ferronnerie et d’outillage
pour tous les artisans et notamment en matériel agricole. Les travaux
de grosse menuiserie, comme la construction et la réparation des
chariots ou charrettes, étaient confiés au «charron».
Le charron était Georges Petton. Celui-ci, puis son fils, avait
son atelier au Beg Avel avant les ateliers de charcuterie de Louis
Marc, qui démarrent en 1952. Il confiait le cerclage (ou le ferrage)
des roues au forgeron (opération spectaculaire qui demandait l’aide de
plusieurs assistants).
Les
maréchaux-ferrants, qu'on appelait forgerons par simplification de
langage, étaient Olivier et Louis Nicolas. Les 2 frères, venus de Saint
Pol de Léon où ils avaient appris le métier auprès de leur père,
ont travaillé
ensemble quelques années dans l'atelier du 30
rue Victor Eusen. Puis chacun eut son atelier vers 1923 : Olivier, aidé
d'un ouvrier et d'un apprenti, resta ici. Louis s'installa rue Théodore
de Banville, non loin de l'actuelle école Saint-Vincent. Il
était aidé par un employé puis par son fils Jean-Louis. Malgré un
bras perdu en 1914 suite à un accident de cheval lors de son service
militaire dans un régiment de Dragons à Paris, il exerçait les
mêmes activités que son frère.
Les chevaux
calmes étaient ferrés en tenant simplement la patte par un aide. Les
autres étaient installés dans un échafaudage spécial appelé «appareil».
Pendant la seconde gerre...
L’atelier d’Olivier, plus grand que celui de son frère, dut subir
la réquisition par les soldats allemands qui venaient faire soigner
leurs nombreux chevaux. Ils avaient pris la moitié gauche pour eux et
leurs travaux de forge, Olivier continuait son travail dans l’autre
moitié sur une autre forge.
Les palefreniers
allemands logeaient dans l'école Saint-Pierre, à côté de chez Louis.
Alors chez lui, la réquisition se limitait à des travaux et parfois à
l’utilisation du foyer pour la cuisson des pommes de terre. Comme par
hasard, ces fois-là, la cheminée tirait mal ce qui donnait un mauvais
goût aux pommes de terre !
Les épouses de
Louis et Olivier tenaient chacune un commerce à côté des forges. Mais
nous vous en parlerons dans un prochain Echo de Saint-Pierre...
Expression de l’époque :
«en enfer c’est comme ça » disait-on aux enfants en parlant du feu activé par le grand soufflet.
Aujourd’hui il y a environ 20 maréchaux-ferrants dans le Finistère.
J.C.Beauvisage
Remerciements aux familles de Louis et d'Olivier Nicolas pour leurs précieux témoignages
.